Certains critiques Allemands du XIXème siècle parlaient de l’Angleterre comme du « pays sans musique ». Si le romantisme n’y a effectivement pas été fécond, le XXème siècle s’est chargé de rattraper cette image négative. Et c’est grâce à Benjamin Britten.
Si Britten est connu aujourd’hui principalement pour ses opéras, on sait peu qu’il s’est également illustré dans la musique de chambre, et notamment le quatuor cordes. Ce répertoire superbe et ignoré, nous sommes particulièrement heureux de le mettre à l’honneur.
Seulement voilà, cette musique est tout aussi insulaire que l’était son auteur, elle a traversé une bonne partie du XXème siècle, en franchissant les alizés de la modernité sans jamais se dérouter. Car si la modernité doit être une table rase du passé, alors la musique de Benjamin Britten n’est pas moderne. Le passé, elle l’emporte avec elle. C’est une musique « cultivée ». Cette aura de notre histoire musicale n’est pas un refuge réactionnaire, mais un vecteur puissant de sens et d’émotion. Le sens, Britten l’a recherché dans chaque page de ses œuvres. L’écoute abstraite du phénomène sonore ou du développement dans la musique, chère à de nombreux compositeurs du XXème siècle, aussi riche et passionnante puisse-t-elle être, n’était pas essentielle pour lui. Le sens, l’émotion sont au cœur de ses partitions. Voilà bien sans doute pourquoi il s’est épanoui dans le genre de l’opéra.
Les éléments « classiques » de notre musique occidentale, tonalité, mélodie, formes claires, sont toujours bien ancrés chez Britten. Mais ils sont comme entendus d’ailleurs, de plus loin, d’un autre monde ou simplement… de notre temps. C’est ainsi qu’une marche militaire bien scandée mènera souvent au désordre le plus débridé, la joie lumineuse d’une tarentelle tournera à l’inquiétude ou à la peur panique, la stabilité d’une passacaille, terrienne et réconfortante, chavirera en délires oniriques ou métaphysiques. Une mélodie, un chant s’attardant dans tous les tons, tandis que la basse ne dévie pas de ses toniques et dominantes, c’est le type de la situation musicale chez Britten, dans laquelle peut s’inviter alors le doute, l’étrange, la magie et les méandres de la psyché.
Ce regard éclairé sur nos racines, ce détachement et cette hauteur de vue à la fois tendres et objective, ne sont-ils pas tout aussi modernes qu’une abstraction se fondant sur une virginité culturelle, une « idiotie » simulée ou provoquée ? De ces œuvres bouleversantes et sans fond, de cette musique qui s’insinue dans nos mémoires comme presque « déjà entendue » mais toujours imprévisible, de cette « parade sauvage » dont Britten a « seul la clé », se détache une qualité indiscutable : la sincérité…
Les quatuors
Quatuor no. 1 en ré Majeur (1941), 26’
Quatuor no. 2 en ut majeur (1945) 25′
Quatuor no. 3 en ut majeur (1976) 29′