« Brèches, mon second quatuor à cordes, poursuit d’une certaine manière les préoccupations développées au sein de mon premier quatuor Neige de Jakuchu (2017), en questionnant à la fois un univers pictural particulier et des expérimentations formelles indépendantes. Pour ce premier quatuor, c’était l’œuvre du peintre japonais Ito Jakuchu (1716 – 1800) qui avait été mis en regard avec des structures musicales issues d’inventions littéraires d’Antoine Volodine.
Pour ce second quatuor, c’est la question de la limite que j’aimerais convoquer, en m’inspirant des travaux du peintre contemporain Vincent Dulom (né en 1965), qui, à travers un procédé de projections d’encre, créé des peintures minimales et contemplatives faisant naître sous une ombre mouvante la possibilité perceptive de leur propre disparition. Elles sont fondées sur une économie de moyens proche de la pénurie, et interrogent, in situ, les lieux de leurs expositions. La traduction sonore de ces procédés sera ainsi au centre de la génération des matériaux de Brèches. »
J’aimerais mettre en tension cette approche du son avec un questionnement sur les propres limites du statut du compositeur, questionnement débuté dans un article sur les musiques savantes orientales à paraître pour un ouvrage publié par le MUCEM1. Dans ce petit essai, je tente de montrer qu’il existe, au sein de ces musiques, une altérité de l’écoute singulière, qui naît à la fois de la création d’espaces semi-composés et de procédés musicaux assez fascinants comme le tarjamah (qui veut dire traduction), où le jeu instrumental épouse les micro-inflexions prosodiques par imitations successives.
Ce quatuor pose ainsi la question de la traduction de la limite, d’un point de vue sonore et compositionnel. Mais qu’est-ce que la traduction, si ce n’est le maintien « sur la brèche de l’entre-langues » ? Elle procède à fois par assimilation et désassimilation pour, « dans cet ”entre”, laisser passer l’autre. »2, et revêt dans Brèches, la forme d’une composition de l’écoute. » Aurélien Dumont
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1 DUMONT Aurélien, L’altérité de l’écoute ou l’écart entre musiques savantes orientales et occidentales du point de vue d’un compositeur, in Orient sonore, MUCEM, Marseille, à paraître (Juillet 2020)
2 JULLIEN François, L’écart et l’entre, Paris, Galilée, 2012, p.63.
Programmes
- Franz SCHUBERT, Quatuor à cordes no 13 en la mineur, D. 804 (op. 29) « Rosamunde » (1824)
- Benjamin BRITTEN, Quatuor no. 2 en ut majeur (1945)
- Aurélien DUMONT, Brèches, quatuor no. 2 (2020)
- Claude DEBUSSY, Quatuor à cordes en sol mineur (1892 – 1893)
- Maurice RAVEL, Quatuor en fa majeur (1903)
- Aurélien DUMONT, Brèches, quatuor no. 2 (2020)
Création
Le dimanche 11 octobre au Vivat, à Armentière
Production
Brèches a fait l’objet d’une demande d’aide à l’écriture d’œuvre musicale originale nouvelle, et reçoit le soutien de Proquartet (Centre Européen de Musique de Chambre) et du Concertgebouw d’Amsterdam.